Pour ceux qui seraient vraiment allergiques à la science fiction, pour ceux qui ne sont pas allés au cinéma depuis leur naissance, présentons rapidement ce personnage célébrissime qu’est Yoda. Il constitue un des héros principaux de la « trilogie » connue sous son nom général : La Guerre des étoiles (trilogie ensuite poursuivie par de nombreux autres films, avant que des séries prennent le relais pour des déclinaisons qui semblent devoir n’avoir aucune fin…).
Si ce personnage de fiction nous intéresse ici, c’est qu’il cristallise toutes les caractéristiques archétypiques du sage. Les scénaristes en ont fait le prototype idéal de tout sage potentiel. Il est âgé, beaucoup plus âgé qu’un homme ne saurait l’être, il n’est pas humain, et on sent bien qu’il est d’une nature supérieure à l’être humain, il possède une très grande maîtrise de lui-même (il faudra attendre le 5ème épisode, dans leur ordre d’apparition chronologique, pour le voir enfin se battre), il tient des propos énigmatiques, il utilise des mots communs, mais d’une manière peu commune, ce qui sous entendrait que ce qu’il sait, ou ce qu’il pense est difficile d’accès pour le commun des mortels. Bien entendu, il s’agit d’une caricature, mais elle est construite d’une manière suffisamment crédible pour que le spectateur puisse y adhérer, et surtout, elle s’appuie sur des siècles de conception de la sagesse comme la combinaison d’un savoir total, et d’un comportement parfaitement adapté aux situations, gardant en permanence le plein contrôle de soi. Dès lors, regarder Yoda se comporter dans cette épopée, c’est être confronté au modèle idéal de ce que l’occident, depuis la Grèce antique, a considéré comme étant la sagesse.
Pour faire davantage le lien avec le cours, il est intéressant de remarquer qu’en fait, un tel personnage n’a pas besoin de philosopher, puisqu’il dispose déjà des réponses à toutes les questions possibles. Face au philosophe qui voit dans le monde, et dans le fait même qu’il y ait un monde, des énigmes, Yoda perçoit dans l’univers des réponses. Il ne réfléchit pas vraiment, il attend que les réponses lui parviennent; aussi n’est il pas tout à fait inquiet, parce qu’il sait ce qui doit arriver, et qu’il a fait son deuil de certains espoirs. Légèrement désabusé, il ressemble beaucoup à ce que la Grèce antique a défini comme étant la position stoïcienne : le stoïcien sait que certaines choses dépendent de lui, et d’autres non, et il n’essaie pas de contrôler les choses qui, par définition, lui échappent. C’est exactement la position de Yoda, qui est en permanence conscient de ce qui doit arriver, et qui prend sa place dans les évènements. On verra au cours de l’année que, même si il ne le sait sans doute pas, il est en accord avec des théories philosophiques telles que (on vient de l’évoquer) le stoïcisme, mais aussi la pensée de Spinoza. De même, son trajet au sein d’une aventure qui le dépasse, bien qu’il soit celui qui en saisisse le mieux tous les éléments peut être un point de départ intéressant pour réfléchir au rôle que l’individu peut jouer dans l’Histoire.