Préambule : J’ai donné ce sujet à traiter à mes élèves dernièrement, et j’ai été assez intéressé par le résultat obtenu. De manière générale, la plupart sont passés à côté du problème posé, et ont directement opposé « merveilleux » à « maléfique », ne voyant pas que finalement, il s’agissait d’une seule et même conception de la machine, opposée à celle qui la considère comme un objet technique. Je vous laisse découvrir comment j’ai tenté de me sortir des contradictions mises à jour en introduction.
Précision importante : certains de mes élèves sont tombés dans un autre site sur un plan de dissertation et l’ont tout simplement recopié tel quel, ne s’apercevant pas qu’il ne s’agissait que d’un plan non rédigé. Donc, si jamais le lecteur ici présent avait le même genre d’intention, qu’il se méfie : pour le moment, le texte qui suit est aussi à l’état de simple plan. Le recopier tel quel conduirait tout simplement à se retrouver avec, dans la marge, des annotations rouges indiquant des défauts de syntaxe. Qu’on ne vienne pas se plaindre si ça arrive ! Si j’étais peu sympathique, je dirais qu’un tel usage des sites traitant de philosophie consiste finalement à voir en eux une solution merveilleuse pour faire effectuer le travail scolaire par quelqu’un d’autre, en l’occurence en apparence une machine. C’est là une conception naïve de la technique, sur laquelle il va précisément falloir revenir.
Sur ce, bonne lecture.
Introduction :Fallait-il que les troyens se méfiassent du cheval qui leur était destiné ? A l’évidence, le piège était suffisamment énorme pour qu’ils puissent flairer le danger. Mais c’est le talent de toute supercherie de cacher ses propres intentions pour provoquer non pas la confiance, mais la paralysie de l’adversaire. Le cheval de Troie se présentait comme un don. En ce sens on peut le considérer comme l’ancêtre de toutes les machines. C’est d’ailleurs ainsi qu’Ulysse, son concepteur, le considère. Si nous plaçons aujourd’hui dans les machines, les mêmes espoirs et les mêmes peurs, c’est que dès les origines les machines sont ambigües, qu’elles nous apparaissent sous un double aspect selon qu’on les regarde avec les yeux de la raison ou avec ceux de l’incompréhension. C’est sans doute dans cette double nature qu’il faut voir l’origine du double rapport que l’homme entretient, de manière ambigüe, avec les machines. L’ambiguïté réside dans le fait que la machine ne peut pas être en même temps un objet purement technique, compréhensible de part en part, puisque conçu par l’homme, et une entité qu’on considèrerait comme douée d’un pouvoir merveilleux, ou maléfique, selon le bénéfice qu’on tirerait de son usage. C’est pourtant sous ce double rapport que nous coexistons avec les machines. Il est entendu que la machine n’est en elle-même qu’un objet technique, et la réflexion que nous allons mener partira bien de ce postulat, parce que c’est là l’essence même de la machine ; toute affirmation contraire conduirait à considérer les machines comme appartenant au règne de la nature. Dans un premier temps, nous aurons donc à enraciner les machines dans leur statut d’objet technique, ce qui nous conduira à mettre à terre les arguments les concevant comme surnaturelles. Mais vouloir à tout prix ne concevoir la machine que comme objet technique consisterait d’une part à nier le rapport particulier qui se tisse entre elle et l’homme, et à ne pas considérer ce qui en fait un objet technique particulier, non réductible à un simple outil. C’est au travers de cette stratégie que l’on pourra déterminer, au-delà des évidences et des superstitions, quel est la véritable nature du lien entre l’homme et qu’il conviendra d’appeler son partenaire artificiel.1 – Le fantasme de la machine échappant à tout contrôle humain
A – la possibilité de mouvement autonome suscite une impression de vie qui pousse à concevoir la machine comme « animée ». Se construit peu à peu une sorte d’animisme qui ne porte plus sur les éléments naturels, mais sur ce que l’homme lui-même produit. La machine vient en quelque sorte rompre la classification qu’Aristote avait établie entre objets naturels (doués de mouvement) et objets artificiels (inertes)
B – Tout ce qui nous nuit est facilement envisagé comme animé d’une volonté de nuire. Dans un monde de protection, dans un peuple soucieux de sécurité, toute atteinte est vécue comme une agression, que celle-ci provienne de la nature (dont on a finalement peu à peu accepté l’idée qu’elle n’est pas douée de volonté). La machine est plus facilement soupçonnée de mauvaises intentions, même si chacun est en même temps apte à admettre que cette position n’est pas très rationnelle. Finalement, on peut faire des concessions sur la raison quand cela nous permet d’être en accord avec le monde, et en l’occurrence avec nos peurs et notre colère.
C – Les machines nous échappent : on pourrait les séparer en trois grandes catégories : a – celles dont on ne saurait pas du tout se servir, b – celles qu’on saurait utiliser sans pouvoir dire comment elles fonctionnent, c – celles que l’on sait utiliser et dont on maitrise le processus interne. L’évidence est que cette dernière catégorie est de loin minoritaire. Nous sommes donc tributaires de l’usage de mécanismes dont nous ne savons pas du tout quel est leur fonctionnement intime.
Transition : les éléments précédemment évoqués permettent certes de justifier ou de comprendre que l’homme considère les machines comme douées de pouvoir maléfiques ou merveilleux. Ils ne sont cependant pas logiquement acceptable et une analyse approfondie va permettre de leur répondre, point par point (la partie suivante sera donc la simple reprise des arguments précédents, mais avec pour objectif d’en montrer le caractère illogique).
2 – Les mêmes arguments envisagés sous un angle rationnel.
A – Certes, les machines sont douées de mouvement autonome. Mais elles ne sont pas pour autant vivantes. En somme, si la différence entre l’outil et la machine tient au fait que la machine ne dépend pas de la force physique de l’homme, ce n’est pas pour autant que la machine dispose d’une force physique équivalente à celle d’un organisme vivant. La preuve est simple : là où l’homme ne sait pas fabriquer du vivant à partir de rien, il sait en revanche produire du mouvement à partir de d’énergies présentes dans la matière à l’état naturel. Le mouvement n’est donc merveilleux qu’en apparence, il ne résulte en fait que d’un agencement particulier effectué par l’homme, au prix d’une étude approfondie de la nature. Mais, à strictement parler, dans le monde antique, si on considérait les esclaves uniquement comme une source d’énergie (de travail, si on voulait parler en termes plus contemporains), alors la galère toute entière pouvait être considérée comme une machine. On trouve d’ailleurs chez Aristote des textes où l’esclave est mis en parallèle avec la possibilité (conçue, mais non réalisée) pour des objets inanimés (des tables, des plectres (l’équivalent antique du médiator)) de se mouvoir par eux-mêmes.
B – L’intentionnalité de ce qui nous nuit est aussi une manière irrationnelle de concevoir le monde. Elle l’est d’autant plus qu’à l’heure où l’on convient que la nature ne possède pas ce genre d’intention, il parait étrange d’en affubler les machines : celles-ci sont en effet bien plus maitrisables que la nature elle-même. Au pire, si on devait attribuer une intention aux phénomènes auxquels l’homme est soumis, il paraitrait plus logique de le faire quand il s’agit de phénomènes naturels, et non de phénomènes techniques qui sont nécessairement maîtrisés par l’homme. En effet, si il y a toujours un doute sur les raisons qui font que les êtres naturels sont constitués de manière viable (non seulement considérés séparément, mais aussi en tant qu’écosystème), on sait en revanche parfaitement pourquoi les machines sont efficaces. On peut même s’étonner de voir les hommes considérer peu à peu que les processus techniques, qui sont tous volontaires, soient de l’ordre de la fatalité ou du destin, alors qu’on pourrait s’opposer aux processus naturels. C’est là une répartition des pouvoirs dans le monde qui est discutable : si le phénomène de la vie peut éventuellement être considéré comme intentionnel et orienté, les machines, elles, ne peuvent pas rationnellement être conçues comme ayant ce genre d’orientation spontanée. On peut penser que les fictions qui se sont développées autour des machines au vingtième siècle, particulièrement au cinéma, ont encouragé cette manière de considérer nos compléments techniques. 2001, l’Odyssée de l’espace, en particulier, en mettant en scène HAL, l’ordinateur central du vaisseau spatial dans lequel a lieu la majeure partie du film, accentuera sans doute cette tendance déjà spontanée à l’animisme en montrant à l’écran la lutte de l’équipage pour survivre quand cet ordinateur met tout en œuvre pour éliminer un par un chacun de ses membres. Mais si on évite de faire de l’anthropomorphisme sur cet ordinateur, on ne peut que reconnaître une chose : HAL agit de cette manière pour la seule raison qu’il est programmé pour le faire. Il n’y a en lui aucune intention au sens où il pourrait y en avoir une chez l’être humain. En somme, si une enquête devait déterminer le mobile du crime pratiqué sur les membres de l’équipage, on ne pourrait que conclure à ceci : il n’y en a aucun. HAL n’obéit qu’à un déterminisme d’ailleurs prévisible : il suffit de connaître sa programmation pour savoir qu’il agira de cette manière là.
C – HAL a donc besoin d’être programmé pour fonctionner. Les cellules vivantes aussi ont besoin du codage génétique pour fonctionner. Mais à la différence des cellules, on sait qui programme les ordinateurs. En somme, ce sont nécessairement des ingénieurs qui conçoivent les machines. Pour eux, la machine est tout à fait transparente. C’est l’opacité due à l’ignorance de leur mode de fonctionnement qui provoque l’impression que les machines agissent de leur propre fait. Sortir de la conception animiste ou surnaturelle des machines implique dès lors de se séparer du voile d’ignorance qui cache les rouages intimes des machines. Il faut reconnaître que les machines cachent volontiers leur essence technique sous de multiples apparences (le capot du moteur de la voiture, le système d’exploitation de l’ordinateur…). Mais nous le demandions en introduction : les troyens auraient ils du se méfier du cheval que la fortune leur envoyait ? A l’évidence, oui. Posons maintenant cette question : comment l’auraient il pu ? Réponse : simplement en abandonnant la conception religieuse et surnaturelle de l’origine des objets impressionnants. Il « suffisait » de démonter le cheval pour constater qu’il n’était qu’une supercherie, comme toute machine. Il en allait de même avec les horloges utilisées par le christianisme pour coordonner les existences séculière et régulière (autrement dit, ce qu’on appellerait aujourd’hui le monde laïque et le monde régulé par les principes religieux).
Transition : On pourrait presque arrêter la réflexion ici : thèse / Antithèse, victoire de l’antithèse par KO. Ce n’est pas une surprise puisque c’est le point de départ du sujet : la machine EST un objet technique, et nous pouvons ici le confirmer. Reste que c’est ici que nos routes se séparent avec ceux qui n’ont pas compris le sujet. Celui-ci nous demandait pourquoi on peut considérer les machines comme douées d’un pouvoir. Nous avons jusque là montré que toute conception de ce type relevait de l’irrationnel. En somme, nous avons disqualifié le sujet lui-même. On pourrait en rester là. On aurait mené une réflexion classique sur le sujet, mais aussi une réflexion incomplète, car nous avons réduit la machine à un équivalent plus perfectionné de l’outil. Or l’évidence est que la machine va au-delà de ce qu’a permis l’outil.
3 – La double nature de la machine : objet technique, certes, mais aussi processus échappant à toute compréhension et à toute maîtrise.
A – Si la machine considérée individuellement doit être considérée comme essentiellement maîtrisable, puisque conçue et produite par des ingénieurs qui la connaissent nécessairement, le système global des machines échappe, lui, à toute connaissance humaine. Or aucun humain n’est confronté qu’aux machines qu’il maîtrise, et la distance entre leur usage et leur maîtrise est telle qu’il semble possible d’affirmer qu’elles échappent au contrôle de l’homme. En somme, si comme le dit Bergson l’ensemble des machines forme le corps étendu de l’humanité toute entière, nous sommes dans une situation dans laquelle notre corps collectif n’est contrôlé que par des volontés particulières. C’est ce que Bergson signifie quand il compare l’âme de l’homme comme demeurant trop petite par rapport à son corps devenu trop grand. C’est aussi ce que Gunther Anders pointe quand il analyse la machine comme se développant en « megamachine », c’est-à-dire en système « machinique » ayant une taille suffisamment critique pour échapper à tout contrôle, non pas que chaque homme ne soit pas apte à contrôler certaines machines (à strictement parler, aucune machine n’est apte à échapper à tout homme) mais l’ensemble des machines forme ce que Bergson appellerait un organisme artificiel dont on peut dire que personne, aucune conscience ne peut le maîtriser. Il formalise cette analyse en écrivant que « « A l’instant où le monde devient apocalyptique, et ce par notre faute, il offre l’image d’un paradis, habité par des meurtriers sans méchanceté et des victimes sans haine… Il n’y a que des décombres« . ( Hiroshima est partout – 2006 pour la traduction française)
B – Dès lors, le développement des machines apparaît comme le déploiement d’un réseau qui s’effectue en dehors de toute notion de progrès humain. C’est d’ailleurs là qu’on peut considérer qu’on passe de la simple technique à la technologie, c’est-à-dire à la technique qui devient à elle-même sa propre logique, englobant dans ses réseaux la totalité des autres aspects de l’existence humaine. Mais c’est aussi le moment où la technique échappe à l’homme et ne fait plus sens pour lui. Or, si la technique elle-même apparait à l’homme comme indépendante à son propre contrôle et à sa propre compréhension, elle entre de fait dans la même sphère que la nature elle-même. Finalement, aux yeux d’un homme vivant au vingt et unième siècle, le fait marquant du monde dans lequel il se trouve, c’est l’omniprésence des dispositifs techniques, dont les machines sont la part la plus visible. Pour lui, machine ou élément de la nature sont semblables puisque tous échappent à sa compréhension et à sa maîtrise. Finalement, l’homme est face aux machines comme le troyen est devant le cheval présent devant les portes de sa ville : la présence de l’objet est évidente, il doit bien venir de quelque part, il doit bien avoir ses propres règles de fonctionnement, mais ne connaissant ni ses origines, ni son fonctionnement, on se comporte envers lui comme avec un maléfice, ou alors on en attend des miracles. Dans un cas comme dans l’autre, le rapport à la machine n’est plus celui qu’on entretenait avec les outils, car un voile de mystère vient draper le monde technologique pour le rendre opaque aux yeux des hommes. Dès lors, l’homme, tout en continuant de participer au développement des techniques, devient peu à peu aveugle au processus dont il est lui-même le maillon indispensable. Gunther Anders l’explique en ces termes là : la puissance des techniques développées est telle qu’elle dépasse toute capacité pour l’homme à se représenter les conséquences de leur application. Les machines sont donc intégrées à l’ensemble de la nature, rendent celle-ci bien plus mystérieuse qu’elle ne pouvait l’être avant l’ère industrielle, le monde de l’homme devient incertain et l’homme devient cette créature qui n’a plus de milieu spécifique, ni naturel, ni artificiel.
C – Le meilleur moyen pour la machine de devenir mystérieuse, c’est de devenir l’homme. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est au moment où l’homme se trouve immergé dans un monde de machines qui constituent une nouvelle nature lui échappant en majeure partie que les machines l’investissent de telle manière qu’il ne peut plus s’opposer au processus, puisque celui-ci fait partie de lui, et que lui-même est intégré dans le réseau technologique. Insertion de l’homme à travers le principe même de production industrielle, dans lequel l’individu n’est qu’un maillon du cycle production/consommation. Mais aussi insertion de la machine en l’homme par le biais des biotechnologies intervenant au sein de l’organisme humain, le régulant, le contrôlant, lui procurant des nouvelles fonctions. De manière plus large, la fusion homme/machine est rendue possible par la manière dont la pensée technique, la nécessité du rendement, l’obligation de l’efficacité sont devenues le critère central de décision et d’action. Le gouvernement par les experts a installé cette idée que la politique devait répondre aux exigences techniques, là où on aurait pu penser que c’était la technique qui devait répondre aux impératifs de la politique. Ce renversement a permis une véritable invasion technologique (au sens le plus profond) de tous les secteurs de la vie humaine, qui ne sont plus envisagés que sous l’angle du rendement, de la productivité (on va parler, par exemple, de « capital santé »). Etonnamment, c’est Josef Ratzinger (j’utilise ici son nom civil, préférant entendre les mots qui suivent de manière laïque, leur portée me semblant universelle) qui en proposera une expression éclairante dans les mots suivants : « Aujourd’hui, si la loi universelle de la machine est acceptée, il ne faut pas oublier que ces camps pourraient préfigurer la destinée d’un monde qui adopte leur structure. Les machines qui ont été mises au point imposent la même loi. Selon cette logique, l’homme doit être interprété par un ordinateur et cela n’est possible que s’il est traduit en nombres. » Mais nous retrouvons encore ici Gunther Anders, décidément central dans notre réflexion présente : « Il serait encore trop tôt pour affirmer que l’on nous force déjà aujourd’hui, de bout en bout, à endosser le rôle de pièces mécaniques, de matière première ou de déchet virtuel ; ou que l’on nous oblige à ne plus voir nos semblables que dans ces rôles, et à ne les traiter que comme les supports desdits rôles ; ou que l’on méprise comme des riens ceux qui opposent une résistance, ou qu’on les anéantisse (…) Mais que nous dérivions vers ce « soir »-là, ou plus exactement vers l’aube du totalitarisme machinique, que nous nous trouvions aujourd’hui déjà dans son champ de gravitation ; que ces énoncés sur demain deviennent plus vrais de jour en jour – voilà une réalité qu’il est déjà trop tard de contester. Les « tendances » sont aussi des faits. » (Nous, fils d’Eichmann, 1988)
Conclusion :
« Les tendances sont aussi des faits » nous dit Gunther Anders. Ce qui nous occupe davantage ici, c’est que ce qui n’était au départ qu’un fantasme devienne une réalité. En d’autres termes, nos désirs pervers deviennent les faits incompréhensibles auxquels nous sommes confrontés, et ce sur le terrain même de notre maîtrise sur le monde. Ce tour de passe-passe a eu lieu sans qu’il soit organisé, sans qu’un complot le mette en place. C’est en conclusion ce qui constitue le plus grand mystère quand on étudie la technique. De la même manière qu’Einstein s’étonnait que le monde soit compréhensible, nous sommes amenés aujourd’hui à nous étonner de ce que la technique puisse être simultanément le territoire de la maîtrise humaine sur le monde, ET le lieu où l’homme va perdre cette maîtrise. En ce sens, il y a bien un sens à considérer les machines comme douées d’un pouvoir maléfique ou merveilleux, et ce bien qu’elles demeurent des objets techniques, mais c’est du au fait que la technique elle-même présente cette incroyable ambiguïté d’être située simultanément dans le domaine de la compréhension et de la manipulation d’un monde réduit à son statut de stock de matière première, et dans le domaine de la fuite en avant d’un processus dont nul ne peut plus dire où il mène, étant entendu que le bien être de l’être humain n’est absolument plus la cible de ce processus. Nous nous demandions en introduction s’il fallait se méfier du cheval de Troie. Avec le recul, nous savons qu’il était judicieux de ne pas lui faire confiance. Mais on ne sait ce genre de choses que quand on connait le fin mot de l’histoire. Connaitre la conclusion, c’est être en mesure de comprendre le phénomène. La technique est précisément ce processus dont nous ne connaissons pas la fin, il constitue, dès lors le piège auquel nous nous sommes, nous-mêmes, confrontés.
Toutes illustrations extraites du documentaire Atomic Café, réalisé en 1982 par Jayne Loader, Kevin Rafferty et Pierce Rafferty, et des archives de l’atomic testing museum. Le documentaire est un moment d’étonnement quand il montre comment la guerre froide fut l’occasion d’un discours très apaisant quant aux dangers d’une éventuelle attaque nucléaire. On cerne bien, alors, comment la méconnaissance technologique peut être organisée, voulue, et quels effets d’émerveillement, ou de terreur ces politiques peuvent avoir. L’iconographie et la filmographie de la propagande américaine, touchant aussi bien les enfants que leurs parents, autour des années 50-60, montrent bien à quel point on a pu être insouciant vis à vis des essais, mais aussi des attaques atomiques. Cette insouciance permettra de basculer de l’angoisse à l’émerveillement, et évitera finalement de considérer cette technologie comme purement technique. Le traitement de la question s’est beaucoup intéressé à Gunther Anders, qui lui même s’est beaucoup intéressé à la question du nucléaire. Si la réfléxion s’attache facilement à cette technique évidemment spectaculaire (et c’est sans doute là une partie du problème qu’elle pose), il faut garder en tête que chez Anders, c’est la technique dans son ensemble qui est visée, le nucléaire n’étant qu’une pièce de ce qu’il appelera la mégamachine.
Bonjour,
je tombe par hasard sur votre blog, en poursuivant moi même une réflexion sur les machines. Devant faire face à l’intrusion de celles ci sous la forme d’éoliennes géantes dans le paysage qui m’entoure, je m’interroge sur le cercle infernal dans lequel nous sommes prisonnier : pour faire fonctionner les innombrables machines du technocosme dans lequel nous avons bâti et dans lequel nous vivons, il faut construire d’autres machines productrices d’énergie. Le “biocosme” peu à peu s’efface devant le techocosme et surtout les inévitables déchets qu’il produit— question de rendement—, alors pour retarder cette mort programmée dont le machinisme est a la cause, on imagine d’ajouter une couche de machines supplémentaire qui ne fera qu’accélérer le processus. Ces espaces vivants, naturels et peu habités, peu aménagés sans industrie – sans machines —ou l’on implante les aérogénérateurs sont les derniers à succomber. L’humanité droguée de machinisme est comme un alcoolique qui voudrait se soigner avec des verres de gnole !.
Ce qui me surprend dans votre étude —mais est-ce vraiment surprenant ?— c’est l’absence de références littéraires, comme si le machinisme avait déjà fait table rase du passé. Pourtant depuis la naissance du monde industriel, beaucoup d’écrivains ont vu le danger et ont souvent écrit des textes prophétiques, par exemple G. Bernanos dans le célèbre La France contre les Robots ou Jean Giono dans Les vraies richesse et Que ma joie demeure, et beaucoup d’autres .
L’humanité elle même, qui appartient au règne du vivant, n’est elle pas le chaînon intermédiaire d’un monde futur où elle aura été remplacé par une société robots, dont on voit déjà se dessiner la genèse à travers les cyborgs, ces êtres mi hommes mi machines ?
Je réponds un peu tardivement à votre commentaire, mais un déménagement m’a maintenu durablement éloigné des réseaux informatiques qui nous permettent de communiquer.
J’introduis sur ce point car, finalement, selon l’usage qu’on en fait, on s’accomode plus ou moins facilement de ces réseaux que vous décrivez comme nous enserrant. Evidemment, si la technique, ce sont les robots des usines qui se libèrent et se mettent à nous commander, alors votre crainte est légitime. Mais une telle option, digne de fiction finalement pas si scientifiques que ça, est elle vraiment crédible ?
Quant à l’absence de références littéraires, je crois que j’évite effectivement toutes celles qui relèveraient d’une quelconque nostalgie pour un monde passé qui aurait été perdu à cause de la technique. Par contre, il me semble avoir déjà fait référence dans cette colonne, à Maurice G. Dantec, qui au-delà de déclarations sur lesquelles on peut poser un regard critique, paraît avoir saisi quelque chose de la place qu’humain et technique entretiennent réciproquement.
Et pour être plus inquiétant encore, si vous craignez d’être soumis un jour à des machines, vous postulez tout de même que demeureraient, chacun du côté de sa frontière, des hommes, et des machines, nettement différenciés. Il me semble que là n’est pas l’avenir : nous serons confrontés à des hybrides des uns et des autres, à des degrés divers, suffisamment métissés pour que les frontières disparaissent. Le biomécanique intègrera l’homme. Beaucoup y verront ici encore une perte. On peut aussi tenter d’y repérer une perspective qui ne soit pas nécessairement une impasse, même si je mesure à quel point cela implique de reconsidérer un grand nombre de choses.
comment considère l’homme et comment définit l’hommme
bonjour svp si c’est possible de repondre a ma question, j’en ai besoin pour une production ecrite : » comme nous le savons tous, la machine offre de nombreux avantages sur l’homme?
-Comment la machine a-t-elle pu dépassé l’homme?.
– Quelles sont les conséquences ?
merci bcp .