L’article précédent me donne un doute.
Serait-il possible que, par exemple, l’image des deux types en arrêt devant la Venus endormie de Giorgione, dans la publicité pour la firme Orange (vous savez : « Une claque »…) fasse davantage que des heures de cours sur l’art ?…
Est-il possible qu’on demande un jour à Publicis Conseil de me remplacer ?…
A moins que…
On pourrait peut être préciser un détail. Cette Venus endormie, qui se trouve au musée de Dresde, fut peinte autour des années 1509-10, par Giorgione. Le tableau présentait à l’origine un ange, aux pieds de Venus, venu la réveiller de son sommeil pour que, du rêve, elle passe à l’action, s’est effacé au fil du temps et des restaurations. Giorgione laissa, d’autre part, cette toile inachevée, et c’est Le Titien qui l’acheva. C’est à lui qu’on doit le coussin rouge, le drap blanc dans lesquels Venus repose. Le Titien s’iinspirera ensuite de ce tableau pour peindre sa propre Venus, dite Venus d’Urbin (1538). Plus tard, Manet reprit dans Olympia, le thème Venusien, dans un format un tout petit peu plus grand que ce qu’avaient proposé ses deux prédécesseurs.
La taille n’est, en fait, pas tout à fait un détail. La Venus endormie, devant laquelle ces deux visiteurs s’extasient, semble mesurer dans la publicité Orange, 5 m. de haut. Les visiteurs du musée de Dresde doivent trouver étonnant, dès lors, que le tableau de Giorgione ne dépasse pas les 1.10m. C’est sans doute que le monde de la marchandise, ne sachant jouer que sur des promesses de quantités toujours plus grandes, s’est vu obligé de faire subir à cette Vénus, pendant son sommeil, un traitement analogue à celui que la grenouille s’inflige, dès lors qu’elle veut se faire aussi grosse que son modèle, le boeuf. Ce faisant, la publicité donne à croire que plus, c’est mieux, et que l’effet des oeuvres doit venir de leur grande taille.
On retiendra alors que la publicité, décidément, ne peut pas s’empêcher de travestir la réalité, et que venant d’un micrométrage qui prétend nous édifier sur les multiples sens des mots, on peut se douter qu’il s’agisse avant tout d’une métaphore du mensonge. Une publicité, en somme. Sur ce point, elle ne ment pas.
Pour preuve, une fois n’est pas coutume, voici cette page de publicité :