Deux propositions adressées aux oreilles qui voudront bien se tendre un peu, sur un sujet que nous avons assez abondamment traité en cours, et assez fréquemment évoqué ici même, l’art. Deux sujets tels qu’il en tombe assez souvent lors de l’examen du baccalauréat, permettant, à eux deux, de balayer une part assez vaste des problématiques susceptibles d’être posées autour de ce concept.
Comme toujours, sur la question artistique, il s’agit de dépasser un discours ne portant que sur les goûts, dont il est assez délicat de discuter, pour se diriger, autant que faire se peut, vers une réflexion sur la spécificité du jugement portant sur les oeuvres d’art en particulier, et sur le beau en général.
Dans un cas comme dans l’autre, on constatera que même si on ne réclame pas au candidat de recourir à des références précises, maîtriser un peu la pensée de Kant sur ces sujets peut constituer une aide très précieuse, tant ce penseur aura été habile à cerner au plus près les spécificités de ce type de jugement.
Tout d’abord, un sujet réclamant à ce qu’on positionne l’art par rapport aux autres pratiques humaines : A quoi sert l’art ?
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On retrouvera le plan et les références utilisées par Alexandre Larguier, collègue enseignant la philosophie à Prades au lycée Charles Renouvier à cette adresse :
Puis un second sujet, plus proche de ce que nous avons pu, cette année, traiter en cours, et davantage focalisé sur le jugement porté sur les oeuvres d’art, qui ne peut tout à fait se réduire aux autres formes du jugement : Faut-il être cultivé pour comprendre une oeuvre d’art ?
On notera qu’un sujet très proche dans sa formulation a déjà été posé au baccalauréat : Faut-il être cultivé pour apprécier une oeuvre d’art ? Un mot qui apporte une nuance importante en apparence, puisque la compréhension semblerait constituer un regard plus objectif que l’appréciation, qui pourrait laisser une place plus importante à la sensibilité. Cependant, l’enjeu du problème conduira sans doute à montrer que ces deux formulations se rejoignent, et il faudra recourir aux concepts permettant de synthétiser ces deux approches de l’oeuvre d’art. Là encore, Kant serait un recours précieux.
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Ici aussi, on peut retrouver les détails de l’intervention d’Anne-Sophie Rémy, enseignante au lycée de Neufchâteau, à l’adresse suivante :
On rappellera enfin qu’on ne peut pas traiter ces sujets si on ne dispose pas d’un minimum de culture artistique. Il ne s’agit pas de disposer d’un bagage d’histoire de l’art dont un élève de terminale n’est pas censé disposer. Mais vous avez bénéficié d’années d’enseignement de la littérature, vous maîtrisez quelques oeuvres romanesques ou théâtrales; mettez cette culture à profit, et ce d’autant plus que pour une fois, vous allez pouvoir recourir aussi aux impressions, déceptions, enthousiasmes, frustrations et autres expériences et jugements rencontrés au long de cet apprentissage. Les meilleures notes vont, sur ces sujets, aux copies qui allient une conceptualisation solide et l’expression de l’attention que le candidat a porté à ses propres expériences esthétiques, y compris lorsque celle-ci consistait à se confronter à des oeuvres dites « populaires ».
En illustration :
Ron Mueck/ Untitled (Big Man)/ 2000
Une oeuvre de Ron Mueck, plasticien contemporain, issu du monde des effets spéciaux appliqués au cinéma, et proposant un travail dont on pourrait dire qu’il est hyper-réaliste à un détail près, l’échelle (on le devine sur cette photographie, puisque la spectatrice de l’oeuvre est visible. Toutes les oeuvres de Mueck n »ont pas ce caractère monumental, puisque certaines sont au contraire des miniatures, mais aucune en revanche n’est à l’échelle 1). C’est évidemment un détail qui n’en est pas un, puisque cela coupe immédiatement la possibilité de confondre l’oeuvre et l’objet dont elle est la représentation. En revanche, paradoxalement, elle proposent une expérience singulière, puisqu’au delà de l’aspect spectaculaire de ces sculptures, Ron Mueck est au plus près des problématiques spécifiques à l’art contemporain, qui ne cherche plus tant la représentation que la présentation, la mise en présence, révélant ainsi ce que tout art a toujours cherché, en fait (et ce depuis les peintures rupestres). Pour l’attraction immédiate que provoquent ses oeuvres, ainsi que pour les réticences qu’on peut éprouver en raison même de cette séduction que ces oeuvres provoquent, Ron Mueck est un artiste dont l’expérience esthétique qu’elle propose est intéressante à creuser, parce qu’elle mène presque nécessairement aux problématiques les plus fréquemment rencontrées dans le domaine artistique.