Alors que les épreuves écrites ont pris fin, pendant que les correcteurs évaluent chacun leur paquet de copies, il est temps de se préparer à passer le second groupe d’épreuves, au cas où.
Rappelons le principe : si, à l’issue des épreuves du premier groupe on obtient une moyenne générale comprise entre 8 et 9,99, alors on est convié à venir passer deux épreuves à l’oral, lors du second groupe d’épreuves (que, dans l’intimité, on appelle aussi « le rattrapage »). Le candidat les choisit lui-même, parmi les épreuves qu’il a passé à l’écrit. On ne peut pas passer au second groupe d’épreuves une discipline dont l’épreuve se passe à l’oral lors du premier groupe.
Il est donc possible de choisir de passer la philosophie lors de ce « rattrapage ». L’épreuve, quelle que soit la section, dure 20 minutes, précédées de 20 minutes de préparation. Elle s’appuie sur une liste de textes que le candidat doit présenter, sur laquelle figure les textes présentés, la signature de l’enseignant et le cachet de l’établissement. Selon les sections, les exigences de cette liste sont diverses. En filière L, il s’agit de présenter deux œuvres. En S et ES, une œuvre ; et pour les filières techniques, les candidats présentent simplement une liste de textes étudiés en cours au cours de l’année.
L’épreuve consiste toujours en l’explication d’un texte de taille réduite, extrait des œuvres inscrites sur la liste. L’examinateur choisira donc dans l’œuvre présentée un passage que le candidat préparera pendant 20 minutes. Puis il rejoindra le bureau de l’examinateur pour présenter son explication, qui sera suivie d’un échange assez bref (10 minutes, le plus souvent), au cours duquel on approfondira l’explication, dans deux directions principales : le rôle du passage dans l’œuvre, et la réflexion autour des notions mises en jeu dans l’extrait et dans l’œuvre.
Parfois, rarement en fait, on peut poser des questions plus largement sur le programme de philosophie tel qu’il est censé être maîtrisé à la fin d’une année d’étude de cette discipline. Les qualités dont il faut faire preuve sont les mêmes qu’à l’écrit : savoir ce qu’on dit, maîtriser son expression, connaître le vocabulaire qu’on utilise et ne pas être limité dans l’expression de ses idées par un vocabulaire trop restreint ou une confusion dans le sens des mots ; mais aussi être capable de problématiser, de saisir le sens des questions posées, de structurer ses réponses en analysant les termes mis en jeu ; en somme, être capable de réfléchir et savoir entretenir un dialogue. Précisons que l’examinateur n’est pas là pour piéger le candidat, que les textes officiels lui demandent d’être bienveillant et d’accompagner le candidat dans l’expression de ses réponses, sans lui faire obstacle.
Ce que ne précisent pas les documents officiels, c’est que c’est au candidat d’être tout d’abord bienveillant envers lui-même : on ne peut pas aborder l’oral du second groupe d’épreuves sans s’y être préparé. En philosophie, cela signifie deux choses :
– Maîtriser les œuvres présentées
– Connaître les concepts mis en jeu par ces œuvres.
Afin de remplir la première condition, il est encore temps de relire les œuvres (ou l’œuvre) présentées. Relire signifie, ici, lire activement, en reprenant tout le vocabulaire, y compris secondaire, afin d’en maîtriser les définitions, pour ne pas être pris au dépourvu lors de l’épreuve, si une question est posée à ce sujet. Précisons ceci : connaître le sens d’un mot consiste à être capable d’en donner une définition claire et précise. Cela va donc plus loin que le simple fait de « voir ce que ça veut dire ». Ajoutons qu’il n’y a pas de travail philosophique en dehors de cet effort de définition, puisque philosopher, c’est justement mettre le doigt sur le caractère problématique d’un certain nombre de définitions.
Afin de mener correctement cette relecture, il faut aussi se faire un schéma mental de l’œuvre, la voir comme un mécanisme qui produit un certain travail, qui manipule des matériaux (les concepts) pour en faire quelque chose. Il faut parvenir à voir l’œuvre comme un dispositif global, dans lequel le passage à expliquer lors de l’épreuve a un rôle précis à jouer. Il faudrait être capable de formuler à l’oral, avec aisance, le problème auquel l’œuvre s’attaque, la manière dont elle le traite, la thèse qu’elle soutient et les grandes lignes de son argumentation, sa stratégie en somme. Ce sont autant d’éléments qui aideront à expliquer le passage précis qu’il s’agira de présenter à l’oral.
Si tout ceci est bien maîtrisé, alors les 20 minutes de préparation pourront être entièrement consacrées au passage précis que l’examinateur aura désigné.
Mais on ne peut pas se contenter de relire l’œuvre. Pour satisfaire le second point cité plus haut, il est aussi nécessaire d’avoir mené, sur les concepts mis en jeu par l’œuvre, une réflexion permettant de situer l’œuvre par rapport aux grandes problématiques du programme de philosophie.
Pour prendre des exemples tirés des œuvres étudiées cette année avec mes élèves, pour ce qui concerne L’Existentialisme est un humanisme, il faut revoir l’ensemble du cours sur la liberté, puisque la position de Sartre est très particulière, et réclame à être confrontée à une tradition philosophique plus large. On devra aussi revoir le concept de morale, et consulter, sur l’ensemble de l’année, toutes les références faites à l’existentialisme, et ce depuis Blaise Pascal. Pour ce qui concerne la Lettre à Ménécée, ce sont les cours de début d’année qu’il faudra revoir, à propos du passage de la conception mythique du monde à l’apparition de regards plus rationnels sur ce même monde, qui n’était plus, pourtant, le même monde. Une relecture de Lucrèce, dont on avait étudié un passage (https://www.harrystaut.fr/2010/11/deus-in-fabula-commentaire-a-partir-dun-texte-de-lucrece/), serait bienvenue aussi. Plus largement, ce sont les concepts de sagesse et de bonheur qui doivent être maîtrisés afin de venir à l’oral en maîtrisant bien ce dont on parle.
Voila qui réclame « un peu » de travail. Je sais que certains élèves s’y sont déjà mis. Il parait sain, effectivement, de ne pas tarder. Il est possible, particulièrement en filière littéraire, de sauver bien des désastres lors de cette épreuve orale, mais on ne peut pas y faire illusion : si on ne connaît pas l’œuvre, si on donne l’impression de découvrir le passage le jour de l’examen, si on n’a pas soi même médité ces textes de sorte que les questions que posera l’examinateur, on les a soi même déjà posées auparavant, alors peu de points seront récupérés lors de cette épreuve.
Un détail pour finir : il est nécessaire, si on veut présenter un texte, de savoir le lire. Beaucoup d’examinateurs demandent tout simplement au candidat de lire tout d’abord à haute voix le passage qu’ils vont expliquer ensuite. L’exercice semble anodin, il est pourtant extrêmement révélateur du niveau de maîtrise de l’élève : sa lecture, son rythme, ses intonations, sont le témoin de cette compréhension. On ne saurait donc trop conseiller de se préparer en lisant, pour soi, à voix haute, ces textes à présenter, afin d’en être la voix, de les incarner en quelque sorte. Partout où, dans cet exercice, on bute sur des obstacles, c’est qu’un travail de réflexion, d’analyse, de méditation, demeure à effectuer.
Dans les jours qui viennent, mieux vaut se concentrer sur cette préparation que sur les dépêches de presse mentionnant telle ou telle tournure folklorique que peut prendre l’organisation du baccalauréat lui-même. On le répète : ce second groupe d’épreuves n’a pas pour but de rattraper les élèves, mais de permettre aux élèves de le faire eux-mêmes. Qu’ils s’en rendent capables.
En illustration : les résultats du baccalauréat à Alger, en 2009. Les mêmes scènes, à l’identique, se reproduisent partout où un examen similaire est organisé. La tension était cependant sans doute un peu plus forte à Alger, cette année là, puisque les candidats savaient que l’année précédente, seuls 47% des candidats avaient obtenu leur diplôme…