On a été à deux doigts d’oublier le Liban. Lundi dernier avait lieu l’épreuve de philosophie, à Beyrouth. De nouveau, des sujets qui ne tomberont évidemment pas le jour J dans l’hexagone et sur les territoires d’outremer, mais des sujets qui permettent de se projeter dans l’épreuve qui approche. Quel sujet aurais-je choisi ? Comment m’y serais-je pris ? Voici les questions qu’on peut se poser, et qui sont comme autant de gestes de préparation, de répétition générale avant de sauter à son tour.
Gambergez bien ! Vous auriez quatre heures :
Sujets de la filière L :
Sujet n°1
Faut-il aimer les autres pour les respecter ?
Sujet n°2
La parole a-t-elle le pouvoir de changer les choses ?
Sujet n°3
Expliquer le texte suivant :
Les pensées des classes dominantes sont à toutes les époques les pensées dominantes, c’est-à-dire que la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société, est également sa puissance intellectuelle dominante. La classe qui a à sa disposition les moyens de production matérielle, dispose également par là des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées dominantes ne sont rien de plus que l’expression idéologique des rapports matériels dominants, les rapports matériels conçus sous forme de pensées, par conséquent les rapports qui font de la classe une classe dominante, par conséquent les pensées de sa domination. Les individus qui composent la classe dominante sont conscients et pensent ; dans la mesure où ils dominent, en tant que classe, et déterminent dans toute son étendue une époque historique, il est clair qu’ils la déterminent dans toute son extension, qu’ils dominent donc entre autres comme être pensants, comme producteurs de pensées, qu’ils règlent la production et la distribution des pensées de leur temps ; que, par conséquent, leurs pensées sont les pensées dominantes de l’époque. Dans un temps, par exemple, et dans un pays où le pouvoir royal, l’aristocratie et la bourgeoisie se disputent la domination, où la domination est par conséquent partagée, la pensée dominante est la doctrine de la séparation des pouvoirs, présentée maintenant comme une « loi éternelle ».
K. Marx et F. Engels, L’idéologie allemande (1845-1846)
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
Sujets de la filière ES :
Sujet n°1
L’idée d’inconscient remet-elle en cause la responsabilité ?
Sujet n°2
L’histoire peut-elle servir l’action politique ?
Sujet n°3
Expliquer le texte suivant :
Si l’intérêt rapproche les hommes, ce n’est jamais que pour quelques instants ; il ne peut créer entre eux qu’un lien extérieur. Dans le fait de l’échange, les divers agents restent en dehors les uns des autres, et l’opération terminée, chacun se retrouve et reprend tout entier. Les consciences ne sont que superficiellement en contact ; ni elles ne se pénètrent, ni elles n’adhèrent fortement les unes aux autres. Si même on regarde au fond des choses, on verra que toute harmonie d’intérêts recèle un conflit latent ou simplement ajourné. Car, là où l’intérêt règne seul, comme rien ne vient refréner les égoïsmes en présence, chaque moi se trouve vis-à-vis de l’autre sur le pied de guerre et toute trêve à cet éternel antagonisme ne saurait être de longue durée. L’intérêt est, en effet, ce qu’il y a de moins constant au monde. Aujourd’hui, il m’est utile de m’unir à vous ; demain la même raison fera de moi votre ennemi. Une telle cause ne peut donc donner naissance qu’à des rapprochements passagers et à des associations d’un jour.
DURKHEIM, De la division du travail social (1893)
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
Sujets de la filière S :
Sujet n°1
Ne travaille-t-on que pour subvenir à ses besoins ?
Sujet n°2
Doit-on rechercher la vérité pour elle-même ?
Sujet n°3
Expliquer le texte suivant :
Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu’on trouve parfois entre l’œuvre et l’artiste. En vain on alléguera(1) que nous cédons alors à l’influence toute-puissante de notre caractère. Notre caractère, c’est encore nous ; et parce qu’on s’est plu à scinder la personne en deux parties pour considérer tour à tour, par un effort d’abstraction, le moi qui sent ou pense et le moi qui agit, il y aurait quelque puérilité à conclure que l’un des deux moi pèse sur l’autre. Le même reproche s’adressera à ceux qui demandent si nous sommes libres de modifier notre caractère. Certes, notre caractère se modifie insensiblement tous les jours, et notre liberté en souffrirait, si ces acquisitions nouvelles venaient se greffer sur notre moi et non pas se fondre en lui. Mais, dès que cette fusion aura lieu, on devra dire que le changement survenu dans notre caractère est bien nôtre, que nous nous le sommes approprié. En un mot, si l’on convient d’appeler libre tout acte qui émane du moi, et du moi seulement, l’acte qui porte la marque de notre personne est véritablement libre, car notre moi seul en revendiquera la paternité.
BERGSON, Essai sur les données immédiates de la conscience (1889)
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.