Rattrape-toi si tu peux

In Recettes et méthodes
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Puisque cette année l’oral dit de rattrapage se passe dans des conditions un peu particulière, tout le monde étant mis à l’enseigne des consignes suivies en filière technique, j’ai fait une fiche indiquant aux élèves comment ça allait se passer, de l’entrée dans la salle à la sortie, en passant – détail à ne pas tout à fait délaisser – par l’explication de texte elle-même.

Voici ce que ça donne :

Oral de philosophie du second groupe d’épreuves Baccalauréat 2020

Déroulement de l’épreuve – Présentation générale

Durée totale : 40 mn

  • Préparation : 20 mn
  • Passage devant l’examinateur : 20 mn

L’épreuve a lieu à partir de la liste donnée par votre professeur et portera sur un des textes de cette liste, que l’examinateur choisira.

Vous aurez alors 20 minutes pour en préparer l’explication orale.

Puis pendant 20 minutes, vous passerez l’oral devant l’examinateur.

C’est vous qui parlerez, pendant au moins 10 minutes. Puis l’examinateur vous posera des questions, pendant les 10 minutes qui suivent, afin de vous permettre de préciser votre propos, clarifier des points que vous auriez trop peu expliqués, effectuer des distinctions conceptuelles et mettre en relation votre explication avec le thème et la problématique plus large auxquels ce texte participe. Il pourra aussi vous poser des questions sur la partie du programme qui a été étudiée en classe avant le confinement. Cette partie du programme est indiquée sur votre liste.

A votre arrivée :

Dîtes « Bonjour Madame », ou bien « Bonjour Monsieur », n’en rajoutez pas, mais n’oubliez pas cette étape non plus.

Donnez à l’examinateur les documents dont il a besoin : votre convocation, votre pièce d’identité, et la liste signée par votre professeur et tamponnée par la direction du lycée.

Ne cherchez surtout pas à négocier le texte choisi par l’examinateur. En revanche, si jamais il vous demande sur quel texte vous préférez passer, ayez une réponse déjà prête, et faites-en sorte que ça ne soit pas le texte le plus court de la liste, ni le tout premier.

Allez ensuite vous installer pour les 20 minutes de préparation, durant lesquelles vous allez rassembler sur les feuilles de brouillon mises à votre disposition les éléments de votre intervention orale.

Objectifs de l’explication

Il s’agit d’expliquer le texte en montrant comment il parvient à proposer une réponse (une thèse) à un problème.

L’examinateur s’attend donc à ce que vous expliquiez le texte, dans sa totalité, et à ce que vous le mettiez en relation avec ce problème, en montrant comment il propose une réponse, sans être la seule réponse possible. Il s’attend donc à ce que vous parveniez à montrer quel est son intérêt philosophique dans la résolution de ce problème.

On vérifie aussi que le candidat maîtrise correctement le vocabulaire présent dans le texte, ainsi que les concepts mis en jeu par la problématique traitée. Il s’agit donc de vérifier que le programme de l’année a été intégré, et a fait l’objet d’un travail régulier.

Structuration de l’intervention du candidat.

1 – Lecture à voix haute du texte

Il est possible que l’examinateur demande de lire une partie du texte, ou le texte entier. Ça paraît anodin, mais en fait, la simple lecture à voix haute par le candidat permet le plus souvent de discerner s’il comprend le texte qu’il va expliquer. Le mieux dès lors, c’est de s’y entraîner chez soi, et ce d’autant plus que, mine de rien, c’est une excellente façon de s’en imprégner.

Si l’examinateur ne vous donne pas d’indication, demandez-lui simplement s’il veut que vous lisiez le passage.

2 – Introduction de l’explication

Le mieux est de la composer de la façon suivante :

A – Montrer qu’un problème se pose, en le justifiant, c’est-à-dire en montrant pourquoi on peut avoir un sérieux doute à ce sujet, pourquoi plusieurs hypothèses semblent envisageables et pourquoi on a du mal à décider laquelle est la plus juste.

B – Montrer que c’est précisément ce problème que l’auteur, dans ce texte, aborde. En profiter pour préciser la source du texte, le titre de l’œuvre, l’époque de sa rédaction, la nationalité de l’auteur, éventuellement le courant de pensée auquel il est rattaché.

C – Indiquer la thèse soutenue par l’auteur (une thèse est une affirmation, pas un concept, ni une question). Cette thèse doit, évidemment, apporter une réponse décisive au problème qu’on a présenté juste avant, en montrant comment l’auteur propose une réponse intéressante à ce problème.

D – Indiquer quelle est la structure argumentative du texte, c’est-à-dire sa stratégie argumentative, l’ordre dans lequel il présente ses arguments. Puis préciser qu’on va expliquer le texte en suivant cet ordre. Donc, si le texte comprend deux parties, l’explication en comprendra deux elle aussi, s’il en comporte trois, elle en comportera trois, etc. (en fait, généralement, les textes de cette dimension comportent deux ou trois parties. Pas une, pas quinze).

3 – Développement de l’explication

Il s’agir de développer le plan qu’on vient de donner, en faisant l’analyse linéaire du texte. Si jamais on choisit une autre structure, on justifie son choix ! C’est possible, et à vrai dire en philosophie tout est possible, du moment qu’on explique clairement pour quelles bonnes raisons on met en œuvre telle méthode plutôt que telle autre. Mais vraiment, pour faire quelque chose de maîtrisé, je vous conseille de suivre l’ordre du texte.

Dans chaque partie, l’idée c’est de montrer pourquoi l’auteur écrit ceci plutôt qu’autre chose, en d’autres termes pourquoi il n’écrit pas autre chose que ce qu’il écrit (n’oubliez pas : il s’agit du traitement d’un problème, donc, ce qu’affirme l’auteur peut tout à fait être contredit, et ce qu’on attend de vous, c’est que montriez pourquoi il n’opte pas pour les autres possibilités. Si vous suivez ce conseil, vous éviterez le défaut le plus fréquent dans ce genre d’exercice : la paraphrase.

C’est ici aussi qu’on attend de vous des définitions des concepts, et que vous montriez la spécificité des définitions utilisées par l’auteur. Il est aussi possible que dans le texte, un même concept reçoive plusieurs définitions successives, faisant progresser la réflexion. C’est à vous de montrer cette progression.

On attend aussi de vous que les allusions que l’auteur fait, explicitement ou implicitement à d’autres courants de pensée, d’autres thèses ou d’autres auteurs soient explicitées.

Enfin, il est nécessaire de montrer la façon dont le texte s’articule (présente-t-il une thèse pour la contredire ensuite, ce qui signifierait qu’il présenterait tout d’abord une thèse qui n’est pas la sienne ? Ou bien répond-il d’emblée pour, ensuite, donner une suite d’arguments qui justifieront ce choix ?) Montrez en quoi la démarche de l’auteur est logique.

Ayez en tête que le mot « expliquer », étymologiquement, signifie « déplier ». Vous devez déplier le texte, précisément parce qu’il est « compliqué », c’est-à-dire « plié sur lui-même » ; si le texte était « simple » (étymologiquement, « sans pli »), il ne pourrait pas être expliqué.

4 – Concluez

Montrez en quoi ce texte était rudement intéressant. N’en faîtes pas des tonnes : l’auteur n’est pas un membre de la famille de l’examinateur, mais soyez précis et profond : indiquez en quoi la réponse donnée par l’auteur au problème exposé en introduction est spécifique, cohérente, décisive. Eventuellement, mentionnez en quoi elle ouvre aussi une nouvelle réflexion, comme si elle produisait un rebondissement.

Echange avec l’examinateur

Jusque-là, vous aviez l’oral en mains puisque vous étiez seul à parler, selon l’ordre que vous aviez défini. A partir de maintenant, il va falloir vous adapter aux sollicitations d’un interlocuteur qui est, aussi, l’examinateur de votre épreuve. Il n’y a pas d’autre façon de s’y préparer que de bien connaître son cours, et d’avoir médité les textes, c’est-à-dire d’avoir passé du temps à réfléchir soi-même à partir des textes lus pendant l’année, à les confronter les uns aux autres, pour nourrir en soi la réflexion.

On peut tout de même donner quelques conseils :

1 – Ecoutez

Votre interlocuteur va poser une question précise, écoutez la précisément, afin de repérer les termes qu’il emploie, d’identifier clairement ce qu’il vous demande, et de construire une réponse qui soit appropriée à la question posée. Le plus souvent, c’est en précisant le sens des mots utilisés que vous pourrez, le mieux, y répondre pertinemment. Veillez à reprendre la façon dont l’auteur du texte définit ces concepts, en précisant en quoi il se distingue des autres courants de pensée et de l’opinion commune ; utilisez des formulations telles que « On pourrait penser que (…) pourtant (…) »

2 – Réfléchissez.

Vous pouvez prendre le temps de réfléchir avant de répondre. Bien entendu, il ne faut pas que votre silence dure trop longtemps, mais une réponse immédiate est souvent un peu prématurée, et souffre généralement de ne pas avoir été pensée. Donc, prenez quelques secondes pour constituer votre réponse, et éventuellement la structurer, ce qui vous permettra d’annoncer que vous allez répondre à cette question de telle façon, en évoquant d’abord tel point, puis tel autre.

3 – Utilisez les questions pour préciser votre propos, et pour continuer à expliquer le texte.

Les questions ne sont pas là pour vous piéger ; elles sont une invitation à clarifier ce que vous avez laissé dans l’ombre, et expliquer ce sur quoi vous étiez passé trop vite. Prenez donc les questions comme une invitation à réfléchir davantage en compagnie de votre interlocuteur.

4 – Appuyez-vous sur vos connaissances

Nourrissez vos réponses avec les connaissances qui sont les vôtres, puisque vous avez suivi des cours sur les notions mises en jeu dans le texte que vous devez expliquer. Pour autant, n’utilisez que les connaissances qui sont utiles à l’explication : ne déballez pas inutilement des éléments du cours, juste pour montrer que vous les connaissez. Ce genre d’esbroufe est généralement pratiqué par ceux qui veulent à tout prix caser le peu de savoirs qu’ils ont appris. C’est donc plutôt un aveu de faiblesse.

5 – Soyez logique et démonstratif

Plus que l’étalage de connaissances, il s’agit d’être pertinent, logique, cohérent. Utilisez des formulations telles que « Si on affirme que (…), alors on doit admettre que (…) ». Soyez le plus déductif et démonstratif possible. Essayez le plus possible de développer des raisonnements.

A la fin

Ne cherchez pas à faire dire à l’examinateur si c’était bien ou pas. N’essayez pas non plus de supposer que « c’était vraiment nul » juste pour qu’il vous rassure à ce sujet.

Ne cherchez pas à attendrir ou apitoyer le correcteur ni, évidemment, à le séduire ! Restez totalement neutre et professionnel. N’oubliez pas qu’il n’a pas le droit de vous dire « combien ça vaut ».

Utilisez les formules de politesse usuelles, sans désinvolture, et sans obséquiosité non plus.  Récupérez vos affaires, puis quittez la salle.

Et passez à autre chose puisque la suite ne dépend plus de vous.


Toutes illustrations tirées du film The Revenant, d’Alejandro González Iñárritu (2015). Vous ne l’avez pas vu ? Trouvez-vous un grand écran, du gros son. Vous n’allez pas en croire vos yeux.

Ensuite, l’épreuve du rattrapage vous semblera très anodine, en comparaison.

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