La science peut-elle satisfaire notre besoin de vérité ?

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Il y aurait bien des façons de traiter ce sujet, « La science peut-elle satisfaire notre besoin de vérité ? », et on ne s’interdira pas d’en proposer quelques autres à l’avenir. On a opté ici pour un plan classique, que les élèves méticuleux aimeraient appeler « thèse/antithèse/synthèse », mais dont on dira plutôt qu’il est construit selon cette démarche : « on peut affirmer que/cependant/Oh, mais au fait », la troisième partie étant un peu ce moment où l’inspecteur Columbo, au moment de quitter la pièce, se retourne dans le montant de la porte et pose enfin la question décisive qu’il avait en tête, celle qui montre qu’il a vraiment compris ce qui se joue là.

Ce qui suit est très classique, mais ça permet de comprendre comment peut fonctionner une dissertation. On s’est appuyé principalement sur les auteurs et théories étudiées en classe (mais ceux qui ne connaissent pas la salle 214bis devraient pouvoir suivre quand-même)

Introduction

L’histoire des connaissances nous a amenés à penser que la science est la référence sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour accéder à la vérité. Nous vivons dans un monde d’experts qui nous indiquent ce qui est vrai, ce qui ne l’est pas, et quelles sont les décisions que nous devons prendre conformément aux connaissances que la science elle-même nous donne. Mais, dans la mesure où nous avons un recul suffisant sur l’histoire des sciences pour avoir conscience que les connaissances scientifiques ne sont pas définitives et n’ont dès lors rien d’absolu on peut douter de l’aptitude qu’aurait la science à satisfaire réellement notre besoin de vérité, pour peu qu’elle soit vraiment censée le satisfaire. Pour mesurer dans quelle mesure elle peut répondre à cette attente, on pourra tout d’abord constater à quel point la démarche scientifique correspond effectivement aux critères les plus rigoureux de la vérité. Mais on devra tempérer cet enthousiasme en observant la façon dont la science, finalement, ne parvient pas à des énoncés définitifs, apportant plus de sujets de réflexion que de connaissances établies. Enfin, nous nous demanderons si, précisément, ce n’est pas en rendant nécessaire la possession de la vérité que, par avance, nous la dénaturons et si, plutôt que de besoin, il ne conviendrait pas de considérer que c’est un désir de vérité qui se manifeste en nous et que la science, comme les autres disciplines, contribue à combler ce manque tout en le creusant de nouveau.

1 – La science est bel et bien apte à satisfaire notre besoin de vérité

A – Les connaissances scientifiques correspondent à l’exigence de correspondance avec le réel (vérité correspondance)

Les sciences sont fondées sur l’observation, elles étudient ce qui relève de phénomènes et on attend d’elles que leurs énoncés puissent trouver dans l’expérience une confirmation. Or un des critères les plus communément admis de la vérité consiste précisément dans la correspondance entre un énoncé et la réalité que cet énoncé est censé décrire. C’est ainsi que nous repérons les mensonges, et les erreurs : si je dis que le bout de la queue de Pikachu est noir, alors mon énoncé est faux, et il suffit de regarder ce personnage tel qu’il est dessiné pour constater que sa queue est intégralement jaune. Or la science va plus loin : elle ne se contente pas de décrire le réel, elle met à jour les causes et les lois qui font que les phénomènes ont lieu tels qu’ils sont, et non autrement. C’est donc en confrontant les hypothèses à l’expérimentation qu’on parvient à établir leur vérité, au point que comme Kant l’a montré, une discipline qui s’établirait sans aucune référence à l’empirisme ne pourrait pas être considérée comme scientifique (c’est le cas par exemple de la théologie). Empiriquement, dès lors, la science parvient bien à des énoncés vrais.

B – Les connaissances scientifiques donnent aussi satisfaction à l’exigence de rationalité (vérité cohérence)

Le second critère de la vérité, c’est la cohérence interne de l’énoncé. La contradiction n’est pas compatible avec la vérité. Si deux énoncés se contredisent, alors l’un des deux au moins doit être considéré comme faux. Or la science est d’autant plus établie de façon cohérente qu’avec le temps elle s’est de plus en plus appuyée sur les mathématiques, qui constituent un langage intégralement cohérent, au sein duquel aucune contradiction n’est admise. Les disciplines hypothético-déductives offrent aux sciences expérimentales un modèle de rigueur démonstrative qui leur permet de faire preuve de la même rigueur que la géométrie, l’algèbre, ou la logique formelle.  Elles présentent leurs énoncés et les argumentent de façon rationnelle, c’est-à-dire selon un ordre connaissable et maîtrisable par tous, qui permet à chacun d’en vérifier la validité. La science n’exige donc aucune adhésion a priori, aucune soumission à l’autorité d’autrui. De tous les systèmes de pensée, elle est celle qui donne le plus les clés de la compréhension de ses thèses à chacun, évitant de confier à autrui la charge de la réflexion, chacun étant en mesure de penser par soi-même. Ici aussi, dès lors, la science permet non seulement de parvenir à des énoncés vrais, mais elle offre aussi à chacun les méthodes permettant de vérifier leur véracité.

C – Les connaissances scientifiques sont efficaces

Enfin, depuis le 17e siècle en général et Descartes en particulier, la science est liée à la technique. D’une part parce que la technique produit les instruments d’observation dont se servent les sciences, mais aussi parce que les connaissances scientifiques permettent de comprendre quel est le potentiel de la nature et d’exploiter celle-ci afin d’améliorer l’existence des êtres humains. C’est sans doute d’un point de vue pratique que le besoin de vérité s’est le plus fait sentir, et ce dès lors que l’humanité est apparue : l’être humain est en effet un être particulièrement fragile, dont la survie n’est possible que grâce au développement de techniques. Or ce développement a connu un essor sans précédent dès lors que la science s’est mise à son service. Dès lors, les techniques ont mis en évidence la pertinence des théories qui permettaient de les développer, leur apportant un surcroit de vérification expérimentale. Aujourd’hui, si la téléportation quantique est une réalité, c’est non seulement une possibilité nouvelle d’action sur la matière, mais c’est aussi une validation de certaines des thèses de la physique quantique. La techno-science met donc en évidence, au quotidien, la thèse pragmatiste selon laquelle c’est l’efficacité d’une thèse qui met en évidence sa vérité. Est vrai ce qui permet d’agir de façon conforme aux intentions qu’on avait. La vérité qu’apporte la science se mesure dès lors à la puissance technique que l’humanité a entre les mains et, de toute évidence, celle-ci est considérable.

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Empirisme, rationalité, efficacité. Voici les trois fondamentaux qui permettent aux sciences de décrire suffisamment bien le monde pour qu’on puisse l’exploiter de façon efficace. Ce sont aussi les trois critères qui permettraient de valider la thèse selon laquelle la science permet de satisfaire notre besoin de vérité. Pourtant, si on tient là le portrait idéal des sciences physiques en particulier et des sciences expérimentales en général, la science dans sa pratique réelle fait un peu plus de concessions avec cet idéal. D’autre part, le fait que les connaissances scientifiques progressent et changent pourrait indiquer que la science, en fait, ne parvient pas à établir des théories durablement reconnues comme vraies.  

2 – Les limites de la capacité de la science à satisfaire ce besoin de vérité

A – Il y a de l’incertain au cœur même de la science

L’apparition des sciences humaines en particulier a ouvert la science à des domaines dans lesquels l’observation est impossible, tout comme l’expérimentation. L’histoire, par exemple, étant la science du passé, elle doit s’établir en l’absence même de son objet, qui n’est par définition pas présent. En astrophysique, aussi, les thèses portant sur le big-bang s’établissent évidemment en l’absence de l’observation directe du phénomène étudié, dont on ne peut discerner que les lointains effets à partir desquels on spécule l’existence d’une explosion initiale dont on pense qu’elle a généré le temps et l’espace dans lesquels ce phénomène s’est déployé. En réalité, la science prend souvent des libertés avec la vérification, même si celle-ci demeure l’horizon idéal de la validation des thèses : Pluton fut une planète inventée bien avant de pouvoir être observée. A ce jour, son statut demeure incertain et varie en fonction des observations nouvelles dont l’astrophysique dispose. Blaise Pascal évoque des expérimentations faites avec des tubes en verre que les maîtres verriers de son temps ne pouvaient pas lui procurer. Pour autant, ces expérimentations sont tellement bien pensées qu’on peut les considérer comme valides. De façon générale, il y a davantage d’incertain dans les sciences que ce qu’on imagine a priori. Et ce n’est pas forcément un défaut : c’est d’une part la condition de leur existence (toute science est un ensemble d’énoncés se démontrant les uns les autres, dont le tout premier énoncé est cependant un postulat, un dogme en somme, qui est lui-même accepté sans être ni démontré, ni prouvé), d’autre part la condition de leur évolution : si les théories étaient définitives, la science ne progresserait pas.

B – Aucune connaissance scientifique n’est définitive

Or la science connait une progression, et parfois des évolutions radicales, au point de provoquer des ruptures susceptibles de remettre en question les théories précédentes ; ce sont les révolutions telles que l’histoire des sciences en connaît parfois. La théorie de la relativité, telle qu’Einstein la conçoit, remet en effet en question l’homogénéité de l’espace et du temps, qui constituait le pilier principal de la physique selon Galilée et Newton. Ce faisant, Einstein montre que la physique classique ne constituait pas un dogme indépassable devant être reconnu comme vrai éternellement. C’était en réalité l’état momentané de la connaissance scientifique, appelé à être un jour ou l’autre dépassé par des découvertes, des hypothèses puis des thèses nouvelles. Einstein eut à son tour du mal à accepter la remise en question du principe de déterminisme qui liait encore sa théorie à celle de ses prédécesseurs, alors que la physique quantique laissait, elle, une place au hasard et donc à l’indéterminé dans la matière. Ainsi, ce qui est vrai dans la science, ce sont moins les énoncés que la volonté de les mettre à l’épreuve, au point qu’on reconnaisse une théorie scientifique à sa falsifiabilité : un énoncé dont on ne pourrait pas tenter de montrer qu’il est faux ne peut pas être considéré comme scientifique, ce qui permet d’établir une distinction importante entre conviction et vérité : une révélation religieuse, ou un récit de fiction, contiennent une plus grande force de conviction qu’une théorie scientifique. Quand Shakespeare décrit la mort de Roméo, cette mort ne fait aucun doute puisque l’œuvre ne revient à aucun moment sur son décès. Il s’agit donc là d’un énoncé qu’on peut considérer comme vrai puisqu’il tient sa validation de l’autorité de l’auteur (on pourrait parler ici d’auteurité). Mais quand en histoire on affirme qu’Henri IV est mort le 14 mai 1610, assassiné par Ravaillac, cet énoncé dépend d’une étude de documents qui se poursuit éternellement, et demeure donc suspendue à des découvertes qui pourraient la remettre en question. C’est d’ailleurs là le travail des historiens, que de mettre à l’épreuve ce qu’on considère jusque là comme vrai. On constate donc ici qu’une observation plus approfondie de ce qu’est une science nous amène à considérer que, par principe, une science ne permet pas d’accéder à la vérité.

C – L’efficacité technique des théories n’est pas un signe suffisant de leur vérité

Reste que les théories scientifiques semblent bien être validées par les développements techniques qu’elles suscitent. Mais en réalité, une technique peut parfaitement être efficace tout en étant fondée sur une connaissance erronée. Ainsi, on a longtemps expliqué les phénomènes d’aspiration, ou le mouvement des fluides par cet énoncé simple : « la nature a horreur du vide ». Toutes les connaissances étaient fondées sur ce principe, engendrant un biais de confirmation qui conduisait les scientifiques à ne prendre en considération que les faits qui le corroboraient. Au 17e siècle, Torricelli et Pascal ont contribué à la remise en question de cette « vérité », en émettant l’hypothèse de l’existence du vide. Mais auparavant, les techniques permises par la théorie qui s’est avérée être fausse avaient donné satisfaction : on aspirait l’eau dans les pompes, on la faisait circuler dans des réseaux hydrauliques déjà complexes. De la même façon, encore aujourd’hui, les déplacements quotidiens pourraient tout à fait être effectués selon une représentation plane de la Terre et l’écrasante majeure partie des techniques développées dans notre quotidien n’ont pas à tenir compte des découvertes successives d’Einstein et de la physique quantique. Pour autant, la Terre n’est pas plate et ni le mètre ni la seconde ne constituent une mesure absolue. Donc, l’efficacité technique n’est pas suffisante pour valider une théorie, et le fait qu’une thèse scientifique apporte davantage de puissance à l’humanité ne permet pas d’affirmer qu’elle nous ait procuré une quelconque vérité. Au mieux, on pourra dire qu’elle constitue un modèle efficace, comme le furent jadis les conceptions de l’esprit qui engendraient des techniques telles que l’exorcisme, et celles qui sont à la racine de toutes les superstitions.  

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On pourrait croire, dès lors, que la science ne serait apte à prodiguer qu’une vérité au sens dégradé qu’on donne à ce terme dans le cadre un peu restreint du pragmatisme : elle serait réduite aux connaissances pratiques, elle ne viserait que l’efficacité technique et serait incapable, parce que ses énoncés seraient provisoires, de satisfaire pleinement le besoin profond de vérité dont souffrent les hommes. Mais il est possible que jusque là nous nous trompions précisément parce que nous croyons avoir besoin de vérité, et que la science, pas plus que toute autre discipline, n’est capable de satisfaire ce manque nécessaire. Le problème se poserait en termes très différents s’il s’avérait que le juste rapport à la vérité ne relevait pas du besoin, mais du désir.

3 – En réalité, la recherche de la vérité ne doit pas être considérée sous le seul angle du besoin

A – L’utilité de la vérité réduit le champ de la réflexion et de la recherche

En réalité, l’intérêt de la science dépasse, et de loin, le seul intérêt technique. Ce qu’on appelle au 20e siècle la « techno-science » participe d’un mode de relation au monde qui ne vise en réalité que son exploitation, afin d’en tirer avantage. Mais cette seule approche est réductrice et trahit la nature véritable du monde physique, puisqu’elle présume que celui-ci est mis au service de l’humanité, or c’est un a priori que rien ne permet d’accréditer. Au mieux, c’est une croyance. Surtout, cette approche biaise la réflexion, qui se focalise sur les approches rentables, ou utiles. Aristote montrait, dans sa Métaphysique, que la réflexion portant sur les « nécessités » n’était qu’une première étape, elle-même soumise à une obligation de résultats qui ne permet pas au chercheur de spéculer tout à fait librement. Il considérait la philosophie comme une recherche plus élevée, plus pure et surtout plus libre, dans la mesure où elle ne sert strictement à rien. De façon plus générale, la recherche fondamentale, totalement détachée de toute exigence de résultat, peut d’autant plus ambitionner de s’approcher de la vérité qu’on n’exige pas d’elle qu’elle l’atteigne, puisque cette recherche ne vise pas d’autre objectif qu’elle-même. Mais pour cela, il ne faut plus avoir besoin de la vérité. Il faut la désirer.

B – On peut apprendre à chercher la vérité sans espérer nécessairement l’atteindre

Ce n’est pas un hasard si Aristote attribue à la philosophie le privilège de la liberté. Bien que ça puisse sembler paradoxal, c’est précisément parce que cette discipline n’aboutit pas qu’elle peut chercher honnêtement la vérité : on n’attend rien d’elle, pas même qu’elle atteigne le but qu’elle s’est donné. On retrouve ici le sens originel du mot « philosophie » : c’est un amour de la sagesse, et non une possession de celle-ci. Dès ses origines socratiques, on désigne le philosophe comme celui qui entretient un rapport amoureux avec la sagesse, donc avec la vérité. Or, aimer, ce n’est pas posséder, c’est tendre vers l’être aimé, vers lequel on sait par avance qu’on s’avancera sans jamais l’atteindre. S’aimer, c’est tendre l’un vers l’autre à l’infini, entretenir le manque tout en l’alimentant. C’est donc accepter par avance de ne pas être déçu de ne pas être satisfait. L’histoire des sciences montre que la philosophie n’est pas la seule discipline à entretenir un tel rapport de désir envers l’objet de sa quête. Il en va de même de toutes les formes de recherches spirituelles pour lesquelles le mouvement est plus important que l’aboutissement : la quête de sagesse qui définit la philosophie, l’aventure amoureuse, la création artistique, la pratique religieuse, la discipline sportive, le voyage lui-même, la vie en somme. La vérité ne se rencontre qu’indirectement, elle est un horizon vers lequel on peut s’orienter et se déplacer, mais qui s’éloigne à mesure qu’on l’approche.

C – La science n’est qu’une approche de la vérité, parmi d’autres, et la part d’elle-même qui cherche à assouvir un besoin de vérité n’est pas la totalité de la science

Or la science n’est pas qu’une activité à visée technique qui aurait pour objectif d’offrir une satisfaction immédiate à un besoin de vérité : dans ses formes les plus élevées, elle entretient ce rapport amoureux à la connaissance qui entérine par avance l’idée que la vérité est par nature ce qui échappe au saisissement, ce qu’on entrevoit, ce qui se cache au-delà des énoncés qui cherchent à l’énoncer. Quand Aristote cherche la racine commune à toutes les formes de recherche de connaissance, il repère ce moment, crucial, que constitue l’étonnement. Celui-ci est le signe de reconnaissance de l’ignorance : on est étonné quand on constate qu’on ne sait pas ce qui permettrait de comprendre ou maîtriser la situation dans laquelle on se trouve, quand on s’aperçoit que les connaissances dont on dispose ne concordent pas avec l’expérience qu’on fait. Mais ce qui étonne Aristote à son tour, c’est que l’humanité ne se contente pas de résoudre les problèmes concrets dans lesquels elle se trouve : une fois les questions vitales réglées, une fois même que l’existence a atteint un niveau de confort suffisant, une fois donc que nous savons ce que nous avons besoin de savoir, l’étonnement se porte sur ce qu’il n’est pas nécessaire de savoir. Ainsi, dès l’antiquité on se demandait pourquoi il fait nuit la nuit, questionnant le fait que le ciel ne soit pas suffisamment étoilé pour éclairer autant que le soleil. Un tel niveau de questionnement relève plus de l’inquiétude que de la recherche de solutions concrètes. Il se trouve davantage du côté de la philosophie, et ce dans ses développements les plus abstraits tels que la métaphysique, que du côté des interrogations pratiques visant à améliorer le quotidien. Aussi paradoxal que ça puisse paraître, il y a quelque chose de métaphysique dans la recherche scientifique, quand elle s’intéresse au vivant mais aussi quand elle étudie la matière dans ce qu’elle a de plus fondamental. Au-delà des questions pratiques, la science interroge elle aussi le « pourquoi », davantage que le « comment ». Elle n’est alors plus caractérisée par la satisfaction d’un besoin de vérité, mais par l’art de cultiver sans fin le désir d’une vérité à laquelle, heureusement, on ne parvient jamais.

Conclusion

Il y a donc bien dans la science une aptitude à procurer la vérité dont nous avons besoin. Parce qu’elle s’appuie sur des méthodes rigoureuses, parce qu’elle est capable de mettre tout le monde d’accord, cette démarche est effectivement capable d’offrir satisfaction, intellectuellement d’une part, et concrètement d’autre part dans la mise en œuvre technique des connaissances. Mais à ce compte là, on considère la vérité de façon dégradée, puisque la science ne propose en réalité qu’une expression provisoire de la vérité, les théories étant appelées à être régulièrement révisée puis remplacées par de plus précises, de plus efficaces aussi alors que la vérité, elle, est censée être immuablement identique à elle-même. On aurait pu croire dès lors que la science fournirait les connaissances efficaces dont nous avons besoin pour agir, quand des disciplines plus subtiles chercheraient, elles, des vérités plus profondes et plus absolues. En fait, considérer que la science satisfait notre besoin de vérité est réducteur dans la mesure où cette méthode, elle aussi, est appelée à viser des connaissances désintéressées, motivée par le seul désir d’en savoir un peu plus et de creuser un étonnement qu’elle alimente tout en le satisfaisant. Parce que nous sommes humains, nous cherchons à savoir ce qui ne peut pas être su. Et parce que toute véritable science est humaine, elle cherche dans le fond moins à satisfaire un besoin, toujours trop ponctuel, qu’à progresser vers l’infini de la vérité, et son au-delà. La science ne satisfait pas notre manque de vérité, elle le nourrit.


Les illustrations sont tirées de films essayant, chacun à leur manière, de répondre par le biais de la science et de la fiction, aux questions fondamentales face auxquelles l’humanité se trouve, mi curieuse, mi démunie.

Dans l’ordre d’apparition :

The Hitcher’s Guide to the galaxy, Garth Jennings (2005)
Pourquoi ce film est-il une si mauvaise adaptation de la géniale série de romans de Douglas Adams ? Pourquoi 42 est une constante dans la culture pop ? Quelle est la réponse à la grande question sur la vie, l’univers, et le reste ? Mais au fait, c’est quoi la question ? La Terre est-elle globalement inoffensive ? Que devient le plus-que-parfait si on peut voyager dans le temps ? Qu’est-ce qu’on fout là ?

2001, Space Odyssey, Stanley Kubrick (1968)
Qu’est-ce que c’est que ce monolithe noir ? Tiens, je peux fracasser un crâne avec un fémur ! Les machines auront-elles notre peau ? Et si nous n’étions pas seuls ? Quelle est la nature de notre créateur ? Qu’est ce qu’on fout là ?

Ad Astra, James Gray (2019)
La Lune est-elle le nouvel Ouest ? Ca donnerait quoi, l’attaque de la diligence en quasi apesanteur ? Que fait ce singe dans cette station spatiale ? Es-tu mon père ? Pourquoi mon père, censé être mort, tente-t-il de détruire la vie sur Terre depuis l’autre bout du système solaire ? Comment fait Brad Pitt pour avoir l’air simultanément si mûr et enfantin à la fois ? Qu’est ce que je fous là ?

Interstellar, Christopher Nolan, (2014)
Est-ce que par hasard on ne ferait pas tout le nécessaire sur Terre pour devoir fuir cette planète ? Le temps et l’espace sont-ils bien ce qu’on croit qu’ils sont ? Ca fait quoi, de devenir plus jeune que sa propre fille ? C’est quoi, être un père ? Et si nous n’étions pas seuls ? Peut-on recevoir des conseils de l’espace, et du futur ? Mon passé peut-il être ton futur ? Si on ne sait pas où on va, peut-on savoir d’où on vient ? Qu’est-ce qu’on fout là ?

Arrival, Denis Villeneuve, (2016)
Comment on fait pour parler avec des êtres dont on ne sait strictement rien ? Comment peut-on décrypter le langage des aliens ? Ce qu’ils ont à nous dire est-il si important que ça ? Si on arrive à les comprendre, est-ce qu’on partage le message avec les Chinois ? Qu’est-ce que les aliens foutent là ? Et du coup, qu’est-ce qu’on fout là ?

A chaque fois, la science, et la fiction. Ca pourrait suffire à proposer une toute autre façon de traiter ce même sujet. On verra comment, prochainement.


Pour lire le document hors-ligne, on peut le télécharger ici :

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