On a vu avec Aristote que la philosophie était une inquiétude maîtrisée, qui ne cédait pas à la panique. C’est là que la philosophie constitue un équilibre fragile : d’un côté, elle peut tomber dans une attitude de détresse permanente, d’angoisse envahissante empêchant toute réaction efficace face aux drames, petits et grands, qui peuplent notre existence. D’un autre côté, elle peut aussi devenir assez facilement un simple exercice intellectuel, une performance dans laquelle il s’agirait de briller, sans véritable souci de creuser une véritable question, ou un divertissement, complexe, prenant, minutieux, dans lequel on concentrerait sa puissance de réflexion pour éviter qu’elle se consacre à des questions autrement plus cruciales.
On avait vu avec Blaise Pascal que l’angoisse était ce fond sur lequel se bâtissait l’attitude philosophique. Mais cette angoisse était en fait un vertige métaphysique, dans lequel l’homme se découvrait petit par rapport à un univers supposé infini, ce qui ne pouvait que poser la question de la valeur de l’homme.
Au vingtième siècle, c’est pour des raisons beaucoup plus concrètes que l’inquiétude, l’étonnement frappent de nouveau. Ainsi, Gunther Anders pensera qu’après Hiroshima, après les premières exploitations énergétiques du nucléaire, il n’est plus possible de laisser cette question de côté, et ce d’autant moins qu’elle a des conséquences qui sont finalement quasi métaphysiques.
Voici donc quelques pages de son petit livre d’entretien : Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j’y fasse ? Anders y montre pourquoi après guerre il était impossible de continuer à pratiquer la philosophie universitaire telle qu’elle était pratiquée jusque là. On y constatera que la philosophie est cette discipline qui se doit avant tout de poser les bonnes questions, qui sont finalement les questions cruciales. On ne poussera pas plus avant l’introduction de ce texte, le mieux est d’en faire la lecture. IL suffit de cliquer sur l’image pour retrouver ces quelques pages en format lisible.