Les bonnes résolutions de début d’année ont souvent pour thème la reprise en mains d’un corps qu’on aurait, 364 jours durant, totalement délaissé. Du côté de l’esprit en revanche, l’adage cartésien selon lequel tout le monde se trouve suffisamment bien pourvu se confirme : personne ne prend le 1er janvier la résolution d’être moins bête le 31 décembre suivant. Il n’est pourtant pas certain que cette préférence soit très judicieuse.
Si on regarde bien la version que Zack Snyder a livrée de Superman dans son Man of Steel, si on utilise ce regard laser qui convient bien pour en scruter les détails, on s’aperçoit que Clark Kent, dans sa jeunesse, alors qu’il ne savait pas encore si ses super pouvoirs releveraient plutôt des prodiges physiques ou des prouesses intellectuelles [à propos, quelqu’un a t-il la moindre idée de la note du petit Clark Kent en éducation physique et sportive ?], lisait Platon.
A cela, pas grand chose d’étonnant, en dehors de l’âge de ce jeune disciple platonicien : l’idéalisme est la théorie idéaleoine pour ceux auxquels le monde matériel ne suffit pas. Et qui, mieux que Superman, peut prétendre appartenir simultanément à ce monde ci, qui obéit aux lois de la physique, et à un autre monde, qui ne se réduit pas aux dimensions restreintes de la matière ? Un être qui, comme ceux qui viennent « d’ailleurs », se fait passer pour un humain anonyme sans se déguiser particulièrement, et ne se révèle comme lui-même que lorsqu’il a l’air d’être déguisé, un créature donc, dont l’être véritable se situe quelque part au-delà de son apparence physique, à un point tel que la physique ne semble pas s’appliquer à sa personne. Un homme dont le repère est une caverne de glace qui laisse passer, de toutes ses parois, la lumière du soleil à un point tel qu’il fait finalement plus clair qu’à l’intérieur qu’à l’extérieur (cette idée de la caverne inversée demeure sous exploitée, on en fait cadeau à Zack Snyder, si jamais il voulait injecter un peu de profondeur céleste dans le prochain Superman Vs Batman (la batcave de l’homme qui se déguise pour faire un bien conçu d’une façon toute personnelle vs la caverne illuminée de celui qui enlève ses lunettes pour sauver le monde, peut-on imaginer plus belle dialectique visuelle ?). Quelqu’un qui a carrément trois noms, selon la dimension sous laquelle on l’appréhende (il ne s’appelle pas de la même manière sur la Terre comme au Ciel, et il ne correspond pas au même concept selon qu’on l’appelle Superman ou Clark Kent (tout le monde ignore son vrai nom, Kal-El, qui est de l’idée même de son être). Incarnation du Suprême Bien, dont ses trois incarnations participent, il est aussi l’expérience sensible de ce que deviennent le Bien, le Beau et le Vrai lorsqu’on tente de les réaliser.
Bref, bonne nouvelle : la force physique de Superman lui est innée. On ne l’a jamais vu à la salle de sport locale suer pour augmenter la circonférence des ses biceps, il n’a pas non plus installé runtastic sur son smartphone pour se contraindre à un programme quotidien de push-ups, d’abdos et de squats. On aura beau se démener, on ne lui arrivera pas à la cheville. Pas la peine de lutter (on laisse Bruce Wayne passer devant). En revanche, du côté du raisonnement et de la sagesse, on a toutes nos chances. Manifestement, il se bat avec les mêmes armes que nous : un livre, des yeux (et la vision laser, si on considère le caractère inflammable du papier, n’est pas précisément un avantage ici). A tout prendre, s’il faut se mesurer à un superhumain, c’est sur ce terrain qu’il faut le faire.
Comme toute résolution, cette volonté de gagner en pertinence et en acuité mentale aura pour caractéristique de pouvoir être prononcée de nouveau tous les ans.
Toujours est-il que vous pouvez deviner ce qu’on vous souhaite pour l’année qui s’inaugure à peine.