This is the end, my only friend, the end
It hurts to set you free
But you’ll never follow me
The end of laughter and soft lies
The end of nights we tried to die
This is the end
The Doors ; The End
Second article consacré aux courts métrages de Pelechian, le second sur lequel nous avons travaillé lundi avec les élèves de seconde qui sont en pleine exploration du langage cinématographique. Si Au Début était un exercice de pure virtuosité technique mise au service d’un projet historique, dans lequel transparaissaient déjà les thèmes qui sont au coeur de son art : le passage du temps, les foules se précipitant comme un seul homme, vers on ne sait quoi, La Fin (Konec, 1992) est un film qui semble être aux antipode de cette humanité se ruant, ventre à terre, sans qu’on sache si elle court à sa propre perte, ou si elle poursuit son propre accomplissement. Ici, Pelechian a tourné lui-même les images qu’il a ensuite montées. Ce sont les passagers d’un train qu’il cadre au plus près, le plus souvent dans des plans serrés qui les maintiennent dans l’intimité du transport en commun. Puis, peu à peu, le regard porte sur l’extérieur des wagons, et on accompagne le regard des passagers vers l’extérieur. Comme toujours chez ce réalisateur, un mouvement aspire tout ce petit monde, ailleurs. Rapidement, et le son y aide beaucoup, une opposition et un dialogue se tissent entre l’obscurité et la lumière, jusqu’à représenter visuellement l’alternance des sons du train sur les rails, pulsation cardiaque qui ralentit peu à peu , jusqu’à l’arrivée à destination. Un aller simple, entre Erevan et Moscou, partagé avec ceux qu’on appelle « passagers » précisément parce qu’ils ne sont que « de passage ».
Quand un film pose un regard si intense sur ceux qui partagent le même mouvement, quand il est si attentif à leur propre regard qu’il en vient à filmer ce qu’ils voient, quand peu à peu on en vient à voir à travers leurs yeux, en un sens parce qu’on voit ce qu’ils voient, en un autre parce qu’on devine sans doute quelque chose de ce que jadis on appelait âme et à quoi on ne sait plus trop quel nom donner aujourd’hui, alors, on est prêt à accueillir le moment où ils ferment les yeux, alors même que la lumière du jour s’apprête à disparaître, comme une confiance, comme un laisser-aller, un lâcher prise, l’acceptation d’un mouvement contre lequel rien ne peut être entrepris. A les voir fermer ainsi les paupières après avoir épousé leur regard, on sent bien qu’il faut s’apprêter à perdre peu à peu, et l’image, et le son, à perdre contact avec le monde pour se laisser bercer par une obscurité qui est à la frontière du paisible et de l’inquiétant.
Les sons ont une grande importance dans la manière dont Pelechian monte les images. Cette Fin ne fait pas exception. Outre le mixage très particulier des sons du train, Pelechian fait ici comme dans ses autres films, preuve d’un sens aigu de la mise en musique. Si, ici, les sons ferroviaires constituent, grâce au montage, une musique à part entière, c’est Jean-Sébastien Bach qui installe une bonne partie de la mise en son de ce court métrage, puisque Pelechian lui emprunte un extrait de sa Passion selon St Jean.
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