Il n’y a a priori pas grand sens à tenter d’argumenter le scepticisme : en tant que théorie, l’affirmation selon laquelle on ne puisse rien affirmer semble d’emblée trop paradoxale pour être considérée comme satisfaisante. Or, un argument est à son tour une affirmation. Ainsi fonder l’affirmation qu’on ne peut rien affirmer sur des arguments paraît être un projet vain.
Pourtant, au-delà de l’inconséquence que constitue la thèse sceptique elle-même, le second paradoxe consiste en ce que chacun des arguments qui soutiennent le scepticisme est particulièrement convaincant, quand bien même un sceptique radical devrait lui-même les considérer comme ineptes.
Dès lors, malgré leur ineptie, ça vaut le coup d’étudier cette argumentation. Classiquement, on synthétise l’argumentation sceptique en cinq arguments, répertoriées par le philosophe Agrippa, qui pratiqua le scepticisme aux alentours du 1er siècle après J.-C.
Dans la vidéo magnifiquement synthétique qui suit, G. Lequien, professeur de philosophie, propose de reprendre les fondamentaux du scepticisme. Avant d’exposer ce qu’on appelle les cinq tropes (ou modes) d’Agrippa, il a l’excellente idée de proposer une séquence d’un film de Carpenter (Dark Star, 1974) au cours de laquelle il s’agit de troubler les convictions d’un ordinateur, en le contraignant à pratiquer un doute profond afin qu’il suspende son jugement et son action.
Il est très utile de retenir ces cinq raisons pour lesquelles tout discours est fragile par essence, puisque, semble-t-il, tout jugement se construit sur un sable qu’au mieux, on peut un jour, par commodité et nécessité, nommer « fondation ».
Et au passage, on conseille à tous ceux qui ont envie de réfléchir un peu en s’appuyant sur des vidéos vraiment très bien construites, totalement exotiques et originales par le ton qu’elles utilisent, extrêmement posé, dénué de toute ironie surjouée, de toute mise en scène surlignée par les effets de manche qu’ailleurs, on multiplie souvent (avec talent, d’ailleurs parfois, mais ici, la sobriété est la condition de la concentration) de s’abonner à cette chaîne. On y apprend, dans un calme propice à la méditation, des contenus, mais aussi à réfléchir :