Pondichéry, et quelques autres lycées français installés à l’étranger sont un peu en avance sur les autres territoires nationaux. Ainsi, ils sont en train de passer le baccalauréat. Comme tous les ans, on lit les sujets, on s’inquiète pour rien, on panique un instant, puis on reprend ses esprits : on pourrait traiter la plupart, et de toute façon, ce seront évidemment d’autres questions qui seront proposées le jour J en métropole.
Il faut donc voir ce qui suit comme une invitation à se mesurer à des questions dont on peut voir qu’elles sont, avant tout, fort classiques. Les auteurs des textes, eux, ne seront peut être pas connus du plus grand nombre des candidats. Ce qui n’empêche absolument pas d’expliquer leur texte, quand bien même on ne trouve, sur les sujets donnés en filières générale, aucune mention rappelant que la connaissance de l’auteur n’est pas requise. On suppose que c’est un simple oubli, et que la connaissance de leur auteur n’est décidément pas réclamée pour expliquer ces textes.
Voici donc les sujets de Pondichéry.
Sujets de la filière S :
Sujet n°1
Toute démonstration est-elle scientifique ?
Sujet n°2
Une loi injuste vaut-elle mieux que l’absence de loi ?
Sujet n°3
Expliquer le texte suivant :
« Considérons maintenant l’âme dans le corps, qu’elle existe d’ailleurs avant lui ou seulement en lui ; d’elle et du corps se forme le tout appelé animal. Si le corps est pour elle comme un instrument dont elle se sert, elle n’est pas contrainte d’accueillir en elle les affections du corps, pas plus que l’artisan ne ressent ce qu’éprouvent ses outils : mais peut-être faut-il qu’elle en ait la sensation, puisqu’il faut qu’elle connaisse, par la sensation, les affections extérieures du corps, pour se servir de lui comme d’un instrument : se servir des yeux, c’est voir. Or, elle peut être atteinte dans sa vision, et par conséquent, subir des peines, des souffrances, et tout ce qui arrive au corps ; elle éprouve aussi des désirs, quand elle cherche à soigner un organe malade.
Mais comment ces passions viendront-elles du corps jusqu’à elle ? Un corps communique ses propriétés à un autre corps ; mais à l’âme ? Ce serait dire qu’un être pâtit (1) de la passion d’un autre. Tant que l’âme est un principe qui se sert du corps, et le corps un instrument de l’âme, ils restent séparés l’un de l’autre ; et si l’on admet que l’âme est un principe qui se sert du corps, on la sépare. Mais avant qu’on ait atteint cette séparation par la pratique de la philosophie, qu’en était-il ? Ils sont mêlés : mais comment ? Ou bien c’est d’une des espèces de mélanges ; ou bien il y a entrelacement réciproque ; ou bien l’âme est comme la forme du corps, et n’est point séparée de lui ; ou bien elle est une forme qui touche le corps, comme le pilote touche son gouvernail ; ou bien une partie de l’âme est séparée du corps et se sert de lui, et une autre partie y est mélangée et passe elle-même au rang d’organe. »
PLOTIN, Ennéades
1 – Pâtit : souffre
Sujets de la filière ES :
Sujet n°1
Peut-on vivre sans morale ?
Sujet n°2
Doit-on attendre de la technique qu’elle mette fin au travail ?
Sujet n°3
Expliquer le texte suivant :
« Les gouvernants voudraient faire admettre la maxime qu’eux seuls sont susceptibles de voir juste en politique, et que par conséquent il n’appartient qu’à eux d’avoir une opinion à ce sujet. Ils ont bien leurs raisons pour parler ainsi, et les gouvernés ont aussi les leurs, qui sont précisément les mêmes, pour refuser d’admettre ce principe, qui, effectivement considéré en lui-même, et sans aucun préjugé, soit de gouvernant, soit de gouverné, est tout à fait absurde. Car les gouvernants sont, au contraire, par leur position, même en les supposant honnêtes, les plus incapables d’avoir une opinion juste et élevée sur la politique générale ; puisque plus on est enfoncé dans la pratique, moins on doit voir juste sur la théorie. Une condition capitale pour un publiciste (1) qui veut se faire des idées politiques larges, est de s’abstenir rigoureusement de tout emploi ou fonction publique : comment pourrait-il être à la fois acteur et spectateur ? Mais on est tombé, à cet égard, d’un excès dans un autre. En combattant la prétention ridicule du savoir politique exclusif des gouvernants, on a engendré, dans les gouvernés, le préjugé, non moins ridicule, quoique moins dangereux, que tout homme est apte à se former, par le seul instinct, une opinion juste sur le système politique, et chacun a prétendu devoir s’ériger en législateur.
Il est singulier que les hommes jugent impertinent de prétendre savoir la physique ou l’astronomie, etc., sans avoir étudié ces sciences, et qu’ils croient en même temps que tout le monde doit savoir la science politique, et avoir une opinion fixe et tranchante sur ses principes les plus abstraits, sans qu’il soit nécessaire d’avoir la peine d’y réfléchir, et d’en avoir fait un objet spécial d’étude. Cela tient à ce que la politique n’est point encore une science positive : car il est évident que, quand elle le sera devenue, tout le monde comprendra que, pour la connaître, il est indispensable d’avoir étudié les observations et les déductions sur lesquelles elle sera fondée. »
Auguste COMTE, Opuscules de philosophie sociale
1 Publiciste : personne qui écrit sur la vie politique
Sujets des filières techniques :
Sujet 1 :
Douter, est-ce renoncer à la vérité ?
Sujet 2 :
La culture sert-elle à changer le monde ?
Sujet 3 :
« Il semble qu’on puisse affirmer que l’homme ne saurait rien de la liberté intérieure s’il n’avait d’abord expérimenté une liberté qui soit une réalité tangible (1) dans le monde. Nous prenons conscience d’abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce (2) avec d’autres, non dans le commerce avec nous-mêmes. Avant de devenir un attribut de la pensée ou une qualité de la volonté, la liberté a été comprise comme le statut de l’homme libre, qui lui permettait de se déplacer, de sortir de son foyer, d’aller dans le monde et de rencontrer d’autres gens en actes et en paroles. Il est clair que cette liberté était précédée par la libération : pour être libre, l’homme doit s’être libéré des nécessités de la vie. Mais le statut d’homme libre ne découlait pas automatiquement de l’acte de libération. Être libre exigeait, outre la simple libération, la compagnie d’autres hommes, dont la situation était la même, et demandait un espace public commun où les rencontrer — un monde politiquement organisé, en d’autres termes, où chacun des hommes libres pût s’insérer par la parole et par l’action. »
ARENDT, La crise de la culture (1961)
1 concrète
2 relation
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.
Questions :
1. Dégager l’idée principale du texte et les étapes du raisonnement.
2. Expliquer :
a) « nous prenons conscience d’abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce aux autres, non dans le commerce à nous-mêmes. » ;
b) « pour être libre, l’homme doit s’être libéré des nécessités de la vie »
c) « Être libre […] demandait un espace public où les rencontrer ».
3. La liberté suppose-t-elle des échanges avec autrui ?